Accessibilité numérique : comment le design inclusif répond au handicap ?
24 octobre 2022
Sommaire
Les raisons et les enjeux de l’accessibilité numérique
Qu’est-ce que l’accessibilité numérique ?
La transformation digitale des entreprises et administrations a pour objectif annoncé de faire gagner en productivité et efficacité ces dernières, mais également de faciliter l’expérience de leurs clients et utilisateurs à travers des dispositifs simples d’utilisation et répondant directement à leurs besoins. Mais en imposant l’omniprésence du numérique en pensant aux bénéfices globaux, on a trop souvent oublié ceux pour qui il est synonyme de complexité et de frein d’accès à des services dont ils ont pourtant besoin, créant de ce fait une fracture numérique. C’est pourquoi l’accessibilité numérique travaille sur la mise à disposition de ces services pour tous les individus freinés par leurs aptitudes physiques ou mentales, mais également leurs différences culturelles.
Naissance et origines de l’accessibilité numérique
En 1998, les Etats-Unis ont mis en place le Rehabilitation Act obligeant les institutions publiques à rendre leurs dispositifs électroniques accessibles aux personnes en situation de handicap. Cette loi a pour objectif de faciliter la mise à disposition de l’information pour l’ensemble des individus, mais également tend à encourager le développement de nouvelles opportunités pour les personnes en situation de handicap, ainsi que la création d’outils technologiques favorisant leur inclusion. Le pas est sauté avec la section 508 qui oblige les agences fédérales à garantir l’accès à l’information pour tous leurs employés.
La France est un des premiers pays à s’engager en Europe, et dès 1999 une circulaire du Premier ministre déclarait que : « Les responsables des sites [publics] veilleront tout particulièrement à favoriser l’accessibilité de l’information à tous les internautes, notamment les personnes handicapées, non-voyantes, malvoyantes ou malentendantes.». La France a rapidement été suivie par d’autres pays européens, ainsi que par le Canada. Les institutions publiques ont inspiré des entreprises privées spécialisées dans le numérique.
Qu’en dit la loi en France ?
La loi française suit une réglementation précise concernant l’obligation d’accessibilité des sites publics aux personnes en situation de handicap. Depuis la première version de l’article 47 de 2005, les obligations ont au fur et à mesure été précisées et depuis 2010 tous les sites publics appartenant aux services de l’État ou aux collectivités territoriales sont soumis à l’obligation d’accessibilité. Cette obligation s’étend aux sites intranet, extranet, ainsi qu’aux applications mobiles, progiciels et mobiliers urbains numériques (ex : les distributeurs de titres de transport). Aujourd’hui, la Direction interministérielle de la transformation publique soutient l’utilisation du Référentiel général d’accessibilité pour les administrations (RGAA) édité depuis 2009.
Les nouvelles directives françaises s’appuient sur une norme européenne pour l’accès aux produits et services TIC, qui a été mise à jour en 2018 pour être en conformité avec les critères internationaux sur l’accessibilité (WCAG 2.1) à travers la directive européenne 2016/2102. Cette directive stipule l’obligation de l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public. Mais si une politique générale d’accessibilité numérique a été pensée par les acteurs publics européens, de nombreuses études montrent que les sites web des entreprises, notamment en France, sont encore peu accessibles pour les internautes handicapés.
Référentiel général d’amélioration de l’accessibilité : une V4 qui s’adapte aux évolutions du Web
Pour faciliter la mise en œuvre et veiller à la bonne observance des règles d’accessibilité numérique, le RGAA rappelle les modalités de l’article 47 de la loi handicap de 2005. Pour proposer un service numérique pensé pour tous les citoyens, en situation de handicap ou non, le Référentiel doit faire l’objet de mises à jour constantes. C’est pourquoi en septembre 2019 la version 4 est arrêtée par la ministre chargée des personnes handicapées et le ministre chargé du numérique. Elle présente les obligations à respecter à tous les professionnels du web et de l’accessibilité. Enfin, pour cadrer au mieux la vérification de la conformité d’une page web, le référentiel établit une liste de critères à destination des auditeurs RGAA.
Équipement, expérience utilisateur et technologie : quels sont les moyens pour un numérique inclusif ?
Un équipement inclusif pour répondre au handicap
De nombreux équipements sont apparus pour répondre aux besoins des personnes freinées par un handicap physique. Les individus impactés par une déficience visuelle peuvent aujourd’hui accéder aux mêmes services que les autres internautes. Grâce à un lecteur d’écran, ils peuvent obtenir une retranscription du contenu des pages visitées par synthèse vocale, ou sur un afficheur braille. Il est également possible d’imprimer le texte retranscrit sur les pages web grâce à une embosseuse (qui imprime en braille). Pour faciliter la navigation, des plages tactiles (qu’on appelle “plage braille”) se sont créées : elles possèdent un clavier en braille incrusté et permettent d’écrire ou de lire du texte sur un ordinateur.
Pour le handicap physique, le matériel informatique s’adapte. Des claviers aux touches extra-larges, séparables en deux modules, ou conçus pour un usage mono-manuel ainsi que des souris de bouche, de tête ou aux nombreuses autres formes pour une prise en mains simplifiée apparaissent sur le marché. Pour les handicaps plus lourds, des contacteurs se déclenchent par une pression de faible intensité.
L’industrie du jeu vidéo a également connu un développement fulgurant de matériel adapté. Les grands groupes comme des petites start-ups proposent des kits et des manettes spécifiques, et aujourd’hui le milieu du gaming connaît son premier gamer professionnel paraplégique. D’autres solutions sont en cours de développement et permettraient un meilleur accès à l’univers vidéoludique.
UX design : du context-awareness à l’inclusive design
Pour répondre à ces nouveaux enjeux, de nouvelles technologies ont été développées, notamment en s’appuyant sur le principe du context-awareness. Le context-awareness réfère à la prise en compte globale du contexte, c’est-à-dire de l’utilisateur, du device, et de son environnement. Ainsi, le design se modifie ou s’adapte en fonction de son environnement sans pour autant changer le service de base. Par exemple, la création d’un mode sombre adapté à la navigation de nuit, ou l’adaptation du vocabulaire en fonction des zones géographiques dans la même application (anglais américain, britannique, indien…). Le context design est adapté aux services mis en place dans le cadre de l’inclusion numérique. Ce “design inclusif” utilise parfois certaines technologies communes au “responsive design” en s’adaptant aux besoins des personnes en situation de handicap. Par exemple, le travail des couleurs s’effectue conformément aux besoins des daltoniens. On travaille également sur la taille des images ou des caractères. D’autres fonctionnalités adaptées de services déjà existants sont apparues, comme le mode liseuse ou l’aide grammaticale intégrée aux navigateurs.
Certaines aides plus élaborées ont vu le jour, comme la possibilité d’afficher l’image correspondante, un synonyme, ou même directement la définition en survolant un mot. Ces features ont permis un grand bond en avant concernant l’inclusion des personnes illettrées ou étrangères et sont accompagnées parfois de la création de pages web en langage simplifié comme sur les sites fédéraux suisses.
Des solutions softwares et un développement engagé
Des applications ou des features très spécifiques ont été développées pour répondre aux besoins des individus. Des avancées spectaculaires ont ainsi été faites dans le traitement de la voix, avec notamment le text to speech (qui convertit automatiquement le texte en audio), les outils de traduction en temps réel, ou le speech recognition (qui convertit l’audio en texte). Pour cela, le développement des assistants vocaux et des technologies associées a été d’une grande aide notamment pour les personnes malentendantes ou malvoyantes. Comme nous l’avons vu avec l’inclusive design, la création de nouveaux services pour le grand public peut s’avérer précieuse dans le développement de solutions inclusives.
Des recherches poussées sont également effectuées sur les systèmes de compensation qui permettraient aux personnes atteintes de Parkinson d’utiliser les outils numériques. Les recherches portent également sur des solutions d’aide aux personnes souffrant de TDAH (Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité), maladie dont la portée n’a été mesurée que très récemment. Ces recherches toujours en cours promettent une réponse à des enjeux de taille concernant l’accessibilité.
Si les premières recherches se sont concentrées sur le handicap sensoriel et en particulier la malvoyance, aujourd’hui la prise de conscience globale de l’impact des maladies mentales a permis le développement de solutions ciblées. Plusieurs navigateurs et sites internet proposent de réduire les distractions visuelles en désactivant les effets d’animation, en simplifiant les menus, en optimisant la barre des tâches, ou encore en bloquant ou filtrant les alertes et les notifications… Ces différentes mesures permettent aux personnes ayant des troubles mentaux, autistiques ou d’humeur d’accéder à un contenu plus clair sans souffrir de distractions impactant leur difficulté à la concentration.
POUR ALLER PLUS LOIN
Le B.A.-BA de l’accessibilité numérique en 2022
Voir le webinarUn engagement à petite, moyenne et grande échelle
Handicap numérique et actions étatiques
En proposant de plus en plus de services et de formalités administratives via les sites internet et les applications mobiles officielles, les gouvernements ont dû suivre les règles d’accessibilité numérique de très près pour permettre leur accès à tous les citoyens. Certains sites officiels européens proposent des versions en langage simplifié ou de nombreuses vidéos explicatives. En France, tous les sites de l’Etat adoptent un design optimisé et augmentent leur transparence avec une évaluation du degré d’accessibilité indiqué en bas de chacune des pages. Il est également possible de contacter l’administration en cas de problème d’accessibilité grâce à un formulaire en ligne.
À leur tour, les start-ups s’engagent
De nombreuses start-ups tendent à adapter des services déjà existants (location, covoiturage…) aux besoins des personnes en situation de handicap. C’est le cas de Wheeliz et Ouihelp qui proposent un service de location de voiture adaptées ou une aide à domicile formée pour aider au mieux les personnes handicapées. D’autres start-ups se lancent dans le développement de services novateurs répondant à un besoin précis, à l’image du réseau social Stent.care qui favorise la mise en relation des personnes en situation de handicap, ou Mobby, un moteur de recherche pour le handisport. Enfin, de nombreuses start-ups travaillent sur du matériel plus optimisé et innovant, comme les lunettes de Wyes qui détectent les mouvements oculaires des personnes paralysées, ou Be Player One qui développe un panel de services (allant du matériel au test) permettant de rendre l’univers du jeu vidéo plus inclusif.
Le rôle des agences digitales et des ESN
De par leur rôle de conseil auprès des porteurs de projets numériques et de par leur expertise métier à la fois dans l’expérience utilisateur et le développement, les agences digitales et les ESN ont un rôle central à jouer pour améliorer l’accessibilité web en France.
Kaliop s’implique ainsi pour un numérique responsable en adoptant une démarche “accessible by default”. C’est un engagement historique pour Kaliop. Dès 2014, nous avions ainsi participé au développement du site internet du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la Fonction publique (FIPHFP) en travaillant sur son accessibilité pour le rendre conforme aux normes de label AccessiWeb. Ainsi nous facilitons l’utilisation des produits numériques par les personnes en situation de handicap, et plus généralement par tous les utilisateurs quels que soient leurs dispositifs d’accès ou leurs conditions d’environnement.
La multiplication et la progression des outils digitaux ne doivent pas se faire aux dépens de personnes porteuses d’un handicap ou en situation de difficulté, c’est pourquoi les acteurs européens, étatiques et privés s’engagent de plus en plus dans une démarche responsable qui garantit un accès équitable à leurs services et produits. Si vous souhaitez améliorer l’accessibilité de vos produits et services digitaux, nos experts sont à votre écoute.